Samedi 19 février, lancement du jeu des poétickets à la bibliothèque de Saint-Martin. Ce fut l’occasion d’un discours inaugural que voici :
Tout est pour le mieux sur terre. La loi de la gravitation gouverne les objets qui tombent. Elle décourage les pierres de s’envoler. On voit que les rochers sont à leur place et que les montagnes s’élèvent au-dessus du sol. Les déserts sont plein de sable et l’océan plein d’eau. On y trouve des coquilles de noix, des îles paradisiaques, des soleils levant, la fin du monde et le début des terres inexplorées.
Le thème du jeu des poétickets en 2011 est : « D’infinis paysages ». On peut évoquer sur un bout de papier des paysages qui ne se terminent jamais. Sur un ticket d’horodateur. Sur un ticket de cinéma. En quelques lignes. Une ou deux. Pas davantage. Il suffit de se promener, de lever la tête et de griffonner. On découvre les paysages les plus variés en tournant au coin de la rue. Le désert de Gobi, la cathédrale de Chartres ou le fond d’une impasse. L’association Compter les girafes réquisitionne tous les coins de rues du monde entre le 19 février et le 31 mars 2011. Ceci afin de faciliter la recherche de l’inspiration.
Les coins de rues qui refuseront seront déchus de la nationalité française. Ils devront s’exiler sans attendre dans de lointains pays. La ville s’en trouverait peut-être amoindrie. Il y aurait des trous partout. Que deviendrait Brest sans le coin de la rue de la Porte et de la rue Vauban ? On y trouve un lampadaire et rien d’autre. C’est de la mauvaise volonté. Quel poème en sortirait ? Une chose tragique et morne. Un couplet morose. Un triste paysage. L’idée d’un réverbère isolé.
Pour l’heure, un simple avertissement est délivré au coin de la rue de la Porte et de la rue Vauban . Si d’ici fin mars elle ne change pas son lampadaire contre un soleil couchant nous devrons sévir. Au moyen d’une cérémonie. Le coin de la rue s’en irait alors vers d’autres cieux, nous laissant un grand vide au fond du cœur.
Ce sont d’affreuses perspectives. Les travaux du tram seraient interrompus. Nous ne recourrons à la déchéance de nationalité du coin de rue qu’en toute dernière extrémité. Mais le rôle des membres de Compter les girafes est de veiller à ce que le jeu des poétickets suive son cours sans qu’un coin de rue de mauvaise humeur contrarie l’inspiration des Brestoises et des Brestois au moyen d’un lampadaire mal placé.