La plupart du temps la terre est ronde et le temps s’écoule en pays de cocagne avec la fluidité du petit ruisseau qui gazouille dans la prairie, mais il arrive que parfois les sombres nuages de la contrariété assombrissent de leur silhouette inquiétante le ciel radieux de l’existence.
Ainsi de cette chronique où je ne peux faire mieux qu’étaler mon embarras pour la raison que je ne connais pas la langue dans laquelle sont écrits les romans dont il est aujourd’hui question.
Ah ! L’Inde ! Les éléphants ! Les boas constrictors ! Les renards des neiges ! Les mammouths laineux ! Pour quelqu’un qui, comme moi, ne s’est hasardé au-delà de Ploudalmézeau qu’en de rares occasions, ce pays figure l’exotisme absolu. Mon petit frère est allé en Inde. Il en revint les bras chargés d’or et de pierreries – qu’il avait probablement dérobés dans le palais d’un maharadjah, trésor dont il couvrit des pieds à la tête sa sœur et ses parents, avant de se tourner vers moi et de jeter négligemment à mes pieds les deux livres chiffonnés dont la couverture est représentée ici. Comment avait-il deviné que j’en rêvais ? Je n’aurais pas échangé ces deux livres contre les rivières de lapis-lazulis dont il répandait les ondes tintinnabulantes sur le plancher.
Je lisais l’autre jour une théorie d’Einstein selon laquelle E=MC2 et je murmurai in petto « Félicitations, Albert, tu tiens le bon bout » ; non que je comprisse aussi peu que ce fût la signification du E, du M, du C ou la raison pour laquelle ce bougre de physicien mettait au carré la multiplication de ces deux dernières lettres, mais mon formidable instinct m’avertissait de ce qu’il avait visé juste. Ça ne m’étonnerait pas qu’on entende parler de ce type très prochainement et, je serais vous, je miserais quelques euros sur sa binette pour le prochain Nobel. Ce même genre d’instinct ne pourrait-il pas m’avertir, en bouquinant les livres mentionnés plus haut, de ce qu’on éprouve à la lecture de telle ou telle page ? Ne serait-ce pas un talent prodigieux ? Essayons :
Mon embarras de tantôt fond comme neige au soleil. L’illustrateur ayant en outre jugé bon de souligner par de jolis petits dessins tel ou tel passage, je suis en mesure de les traduire. Un brin de jugeote suffit chaque fois pour en comprendre le sens.
« Bob, s’écria Natacha, il y a une mouche dans le potage ! »
Bob avait le cœur brisé. Natacha ne voulait plus dîner avec lui.
Je laisse les plus malins d’entre vous déduire la traduction complète des six pages reproduites dans cet article à partir de ces deux extraits. C’est facile maintenant.
Ah ! L’Inde ! Ce pays lointain où Bob n’aurait pas dû épouser Natacha ! Quand je pense à la rotondité de la terre il m’arrive de désirer d’en parcourir la circonférence et de m’arrêter ici ou là pour admirer le paysage. Mais j’aime encore mieux me prélasser dans les littératures du monde, qui ne sont pas si compliquées que ça. A propos d’Einstein, tiens, j’aurais une suggestion à lui faire : Y = HG3, où Y représente un yoyo, H la hauteur du fil et G la trajectoire de l’engin. Quand on joue au yoyo, cette formule permet de passer agréablement le temps en essayant de la comprendre.
Ah ben tiens, la semaine prochaine nous évoquerons la recette du gâteau breton.