On ne doit jamais contrarier son instinct quand il vous susurre la direction à prendre dans l’existence. Aussi me lancé-je illico dans l’art difficile de la critique littéraire, pour laquelle je me sens une vocation. Chaque vendredi jusqu’à ce que mort s’ensuive j’analyserai brillamment un bouquin dont les pages ont bouleversé l’humanité pour une raison ou pour une autre. Aujourd’hui commençons par le code de la route Rousseau 1971.
En 1971, toutes les voitures étaient bleues, rouges ou jaunes, et pour apprendre à conduire il fallait, selon le carrefour et les panneaux indicateurs, mémoriser des séquences de couleur. Ce système, en apparence ingénieux, fatiguait beaucoup les Daltoniens. La grande émeute des Daltoniens de 1973, sauvagement réprimée dans le sang, marqua beaucoup les esprits. Elle fut cause que le gouvernement finit tout de même par changer les règles de la circulation. Personnellement, je suis bien content de n’avoir pas connu cette époque troublée. Je ne me souviens pas que papa ou maman l’aient une seule fois évoquée en ma présence. Les voitures bleues, rouges et jaunes sont un sujet tabou.
On frémit quand on voit des choses pareilles
Le bon côté du code de la route en 1971 est qu’il laissait la part belle aux artistes. Les spécialistes en ombres chinoises avaient toujours la priorité, à condition de montrer distinctement à travers le pare-brise la figure qui la leur donnait.
Invocation de la priorité par ombre chinoise
En ce qui me concerne, je sais faire le chien, le lapin et le cerf, mais je connais un type qui réussit l’ornithorynque. La plupart du temps on tire de ses lectures de vastes enseignements, mais aucun livre n’est plus dispensateur de recommandations spirituelles que le code Rousseau. C’est bien simple, il suffit d’ouvrir une page au hasard et lire une ligne ou deux pour avoir de quoi méditer tout le reste de la semaine. Par exemple :
“Ne regardez jamais vos pieds” Chapitre Epreuves pratiques, page 7
“Ne pas oublier d’arrêter le moteur en coupant le contact, si vous avez l’intention de stationner.” Epreuves pratiques, 30
“Une route comporte plusieurs parties” Signalisation routière, 2
“Avant de stationner je dois regarder : 1° Les numéros des immeubles 2° mon calendrier” Signalisation routière,19
“Ne pas être dans un cas d’interdiction” Règles de circulation, 4
Quand on est moine Bouddhiste ou grand-prêtre Vaudou on peut diversifier la Bible et le Mahâbhârata par le code Rousseau pour se changer les idées sans rien perdre de la métaphysique de l’ordonnance.
J’ai bien envie de conclure cet article par une révélation éclatante qui va remuer les tripes de plus d’un(e) qui passait son permis en 1971 : à la fin du chapitre intitulé “Tests code de la route”, chapitre qui propose tout un tas de questionnaires et d’exercices pour se préparer à l’examen du code, on trouve page 32 les réponses à ces exercices :
Ce que tout le monde ignore, c’est que l’auteur des questionnaires, travaillant auparavant pour un grand quotidien à la rubrique “mots croisés”, avait conservé l’habitude de donner les résultats de la grille au prochain numéro. Ainsi, on trouve dans le code Rousseau 1971 les réponses aux exercices du code Rousseau 1970. Moralité : il ne faut pas chercher d’explication à la maladresse des automobilistes ayant passé leur permis au début des années soixante-dix ailleurs que dans le code Rousseau.
Sauf quand c’est l’Emile qui conduit.
Vendredi prochain : Mots à caser spécial loisirs décembre 1986-janvier 1987, éditions Gérard Cottreau
Bonjour,
En 1970, j’ai passé mon permis de conduire. Pour le code, l’examinateur m’a demandé quels étaient les cas de réductions de vitesse en agglomération au nombre de 8 et hors agglomération au nombre de 16.
Mon ami, qui a été expert de la circulation et du permis de conduire me dit que c’est faux.
Or, je les ai bien apprises par coeur et récitées à l’examinateur.
Je ne veux pas rester sur cet affront. Pourriez-vous me dire où me procurer ce code de la route ou répondre à mon ami.
Merci,
Bien cordialement.