Promenade est un dessin à la craie sur ardoise. Il s’agit d’une œuvre tardive de ma période schisteuse, qui représente un bonhomme avec un chapeau qui marche en plein soleil. J’ai toujours été séduit, en tant qu’artiste, par la météo. Autant par le beau temps que par le mauvais temps. Ici, le soleil représente le beau temps et c’est l’ardoise elle-même qui symbolise le mauvais temps. Il s’agit en effet d’une ardoise que j’ai enlevé du toit de mon hangar il y a deux ans, et depuis, chaque fois qu’il pleut, ma table à outils est inondée, ce qui confère à Promenade un sens plus profond et plus désespéré qu’il n’y paraît.
Quand on regarde le dessin, on se dit tout de suite que le chapeau n’était pas indispensable. Il me suffisait que le bonhomme soit en marche pour embrasser pleinement mon sujet. Mais j’ai toujours eu une prédilection pour les chapeaux, et, pendant longtemps, je n’ai pu empêcher ma verve naturelle de s’exprimer. Ce n’est qu’après de longues années de méditation zen que j’ai su corriger ces élans lyriques pour toucher à la sobriété.
Avant tout, ce dessin est le fruit d’une réflexion philosophique. L’air de rien, il soumet au spectateur une problématique essentielle, cruciale, à laquelle aucun esprit un tant soit peu critique ne saurait faire l’économie de réfléchir : l’art est-il une question de technique ? A l’époque où j’ai dessiné Promenade, j’en étais personnellement déjà arrivé à la conclusion que ça m’arrangerait que non.
Promenade est un travail préparatoire pour un dessin de beaucoup plus grande ampleur, intitulé Randonnée, qui n’a cependant jamais été exécuté parce que le projet impliquait d’ôter dix-huit ardoises du toit de mon hangar et qu’il est quelquefois préférable de savoir s’en tenir à l’esquisse.