Sur un vieux miroir
Comme ayant vécu tant d’années,
Mon front s’est beaucoup dégarni,
Depuis que j’ai quitté le nid,
Mes ailes s’y sont attardées,
Mais l’âge m’en avait proscrit.
J’ai changé cent fois de visage,
Et pour tout ce que j’ai mûri,
Je recommande d’être sage.
Ce sont les feuilles chiffonnées
Que le vent porte à sa merci,
Ou par le monde, ou par ici,
Chaque passant les a foulées,
Tant qu’elles vont périr ainsi ;
Toute feuille est à notre image,
Nul ne s’en peut défendre, aussi
Je recommande d’être sage.
Même les roses sont fanées,
Qui formaient un si bel épi,
Cependant, à leur grand dépit,
Le temps les a disséminées.
Il faut en prendre son parti,
Et comme la saison volage
Fait d’une rose un confetti,
Je recommande d’être sage.
Dans les bois, les bûches cernées
Sont les bras et le corps failli
Du beau chêne, qu’ont assailli
Les bûcherons et les cognées.
Le vin, tiré d’un fût vieilli,
Ne rappelle point, dit l’adage,
Le raisin qu’on avait cueilli :
Je recommande d’être sage.
Si mes leçons sont illustrées
Pour qu’on en fasse grand profit,
Trois maximes auraient suffit.
Les voici donc administrées :
Par le hasard être loti,
Ne pas s’éloigner du rivage,
Tôt revenu, tôt reparti :
Je recommande d’être sage.
Premiers venus, cadets, puînées,
Qu’importe le chemin qu’on suit ?
La mort au silence a réduit
Même les têtes couronnées :
Nul n’obtiendra de sauf-conduit,
Qu’on soit le roi, qu’on soit le page,
Vivre n’est qu’un état fortuit :
Je recommande d’être sage.
Enfant, j’ai le cheveu blanchi :
Vieillir est-il de bon usage ?
Il n’est portrait que réfléchi :
Je recommande d’être sage.