Gaspard Bromzières à Camille de Riveblême
Mon cher Camille,
Quel bonheur d’avoir de vos nouvelles, et en un temps si court que l’océan et ses abîmes semble comme ratatinés par la prouesse.
Je suis heureux de vous savoir en bonne forme, et je ris de voir que comme toujours, votre belle âme porte son intérêt sur le point diamétralement opposé au mien. Je rumine mes vagues et vous vos nuages… Vous avez beau jeu d’accuser la myopie : elle tient lieu d’alibi à la brume qui floconne dans vos yeux de poète. Et vous voyez plus loin que bien des hommes.
Moi-même, à force de disséquer les flots, leurs poulies, leurs cordes et leurs rouages, j’ai fini par trouver comme un pied à terre au fond de l’océan. Je vois mieux. Je ne m’attarde plus à la première écume comme je le faisais jadis, quand nous jetions des pierres du haut des quais de Roche de Canon en nous rêvant marins, et que les remous nous tenaient lieu d’avertissement. Je vois d’autant mieux que la mer s’est éclaircie, que sa transparence n’est plus qu’un voeu pieux : la mer, Camille, est ici aussi claire que le verre, et le sable au fond annonce me dit-on des îles prochaines.
Je vous en dirais plus dans ma prochaine lettre, car mon traité a pris des proportions. J’ai d’ailleurs un titre : “Des vagues”
Votre Gaspard