Lettre 10 Camille à Gaspard

Camille de Riveblême à Gaspard Bromzières

Mon cher Gaspard,

Des îles sur des coussins – je viens de relire vos lettres – il est bien vrai que le monde est étrange et que les lois de la physique nous sont encore méconnues. Je ne doute pas qu’un jour prochain, une sorte de Newton ne parvienne à expliquer scientifiquement ce rétrécissement. Les histoires de sorcier ne valent rien à la civilisation : quand on peut s’en débarrasser, il est préférable de le faire : géologues, astronomes et chimistes sont là pour ça. Avez-vous pensé à vous procurer un échantillon de l’effet que produit ce philtre épouvantable ? (J’entends par là, sans doute : dérober une de ces îles dans la collection du maire – c’est peut-être mal, mais la science nous oblige – à défaut d’herboriser, ce n’est toujours qu’un prélèvement – il devrait être possible d’étudier le phénomène en laboratoire ; en cela, il présente un avantage sur les bouleversements cosmiques).

À ce propos : existe-t-il une morale politique à votre fable ? Il ne s’agit pas d’une fable, je le sais bien, mais vous avouerez qu’il est bien tentant de regarder l’étrange en moraliste.

J’ai beau jeu de faire de l’esprit, ou de me mêler d’être philosophe quand vous parlez d’aventure, d’homme à secourir et d’imprévu. Dites-m’en plus et que le ciel vous préserve de diminuer la taille de votre navire en buvant quelque chose d’inadéquat.

Je vous raconterai demain la rencontre que nous avons faite d’une créature des mers – c’était il y a peu – pour le moment, calme plat.

Votre dévoué,

Camille

PS : Je ne désire pas que vous m’en disiez plus au sujet de Guillaume. Une autre fois, ou quand cela ne me fera plus rien de penser à ma mère, à ma tante et à cette armure de conquistador. Je ne sais pas si cela arrivera un jour.