Lettre 12 Camille à Gaspard

Camille de Riveblême à Gaspard Bromzières

Mon cher Gaspard,

Vous souvenez-vous d’Ulysse ? Il ne manquait pas d’imagination ; et son exemple n’a pas manqué de m’inspirer l’autre jour, quand nous avons été confrontés à un phénomène qu’Homère a rapporté dans l’Odyssée.

Je regardais à la proue quelque chose qui avait attiré mon attention ; inutile de dire que j’étais incapable, à cause de ma mauvaise vue, de distinguer clairement ce dont il s’agissait. Je déployais ma lunette télescopique, sans parvenir à me faire une opinion sur ce qui, à quelque distance du navire, provoquait une série d’éclaboussures. L’animal (je supposais qu’un animal en était la cause – quoi d’autre ?) suivait une trajectoire semblable à la nôtre, voilà tout ce que je pouvais estimer.

– De quoi s’agit-il ? fis-je à l’intention du vieux Barnip qui se tenait près de moi, accoudé au bastingage.

Je lui tendis la lunette. Il y jeta un œil et affirma :

– D’un téthyphore.

Barnip est un vieux loup de mer. On peut lui faire confiance. Je hochai la tête, repliai ma lunette télescopique et m’enquis de ce que diable pouvait bien être un tétyphore dans un océan.

Ah ! Gaspard ! Si j’ai appris à le savoir, mes poignets meurtris s’en souviennent ! Vous comprendrez plus tard, parce qu’à cette heure, je dois remplir un engagement que j’ai pris, justement, à l’issue de cette aventure dont je vous fais part.

Dites-moi, s’il vous plaît, cette chose extraordinaire que vous mentionnez.

Votre,

Camille de Riveblême.