Le petit chaperon rouge façon Marguerite Duras

Un texte écrit l’hiver dernier, à l’occasion des Poulpiks, jeux littéraires organisés par la médiathèque de St Marc à Brest, auxquels je participais avec Arnaud Le Gouëfflec, Yvon Coquil et Clotilde de Brito. Parmi les consignes d’écriture que j’avais reçues figurait celle-ci :

« réécrire le Petit Chaperon Rouge à la façon de Marguerite Duras ».

Voici le résultat :

Moderato quand t’as pilé

Elle entra dans le café comme les autres fois. Pourtant, il faisait beau. La patronne leva la tête, mais ne dit rien. Elle avait joué au scrabble, dans le temps. Ailleurs. C’était une autre vie. Peut-être qu’il fallait avoir joué à de tels jeux pour tenir un café ?
Elle dépassa le comptoir. L’homme était assis à la même table, toujours. Déjà. Il n’avait pas l’air si fatigué.
– L’enfant ne vous accompagne pas, dit-il.
C’était vrai, mais elle mit du temps pour s’en apercevoir. Lorsque l’évidence la frappa, elle ne put nier qu’il avait raison. Elle avoua :
– Peut-être.
Il acquiesça et commanda du vin. Elle but son verre d’un trait. Il fit semblant de se gratter le mollet et but enfin lui aussi.
– Le soleil brille, affirma-t-elle. Ce n’est pas le plus important, car dans la grande maison dont je vous parle – elle reprenait leur conversation au point où elle l’avait laissée l’avant-veille – mon fils occupe la troisième chambre de l’étage. La plus grande. Celle précisément où le soleil, quand il brille, dessine les profils contradictoires du vieux hêtre sur le mur. Il espère devenir marin. Pour Noël, il veut que je lui offre un kayak.
– Mot compte triple, dit la patronne en remplissant leurs verres.
L’homme se taisait encore, les yeux ouverts. Ce n’était pas la volonté de ne pas les fermer. Mais tout, ce soir, lui interdisait de se plonger dans l’obscurité, hormis le crépuscule qui ne tarderait pas à finir et quand il sortirait, là-bas dehors, il ferait nuit.
– Il me réclame des histoires, dit-elle soudain.
L’homme n’avait pas l’air surpris.
– Je ne sais pas, répondit-il. C’est peut-être mieux ainsi.
– Celle du chaperon. D’autres.
Et elle eut un geste de lassitude, qu’une femme de son milieu ne peut pas se permettre d’avoir quand elle parle de son enfant.
– Les trois petits cochons ?
– Oui. Celle-là. Mais c’est le chaperon vous comprenez le chaperon parce qu’il est rouge et que le vent agite les branches du hêtre à la place de l’enfant j’aurais peur il dort la nuit à poings fermés seulement d’abord il réclame une histoire voyez-vous les histoires sont rarement multicolores il faut que le chaperon soit rouge comme le pic-vert.
Elle ne put continuer. Le café était plongé dans la pénombre.
Et en effet, demain, il faudra lire une histoire. Le chaperon sera rouge. Les oiseaux prendront leur envol. Le hêtre agitera fantomatiquement ses branches dans le jardin désert. Nif Nif, Naf Naf et Nouf Nouf seront obligés de se réfugier chez Naf Naf autrement le méchant loup va les dévorer.
Elle en était à son sixième verre de vin, sans savoir si elle rongeait l’orteil de son pied droit sous l’effet de l’ivresse ou de la lucidité.
L’homme se taisait mais elle n’écoutait pas.
– Ce qu’il faudrait, dit-elle, ce qu’il faudrait c’est d’autres auteurs que Charles Perrault et Walt Disney. D’autres auteurs qui exprimeraient le chaperon différemment.
– Et les trois petits cochons, compléta l’homme.
Il était très calme. Il avait posé ses mains sur la table et la dévisageait, elle, sans fermer les yeux.
– Il suffirait, dit-il, de raconter l’histoire différemment. Le ferez-vous ?
Elle examina l’orteil de son pied. Le droit.
– Je ne sais pas, répondit-elle. Ça n’a plus d’importance. Je pourrais choisir de le faire comme Marguerite Duras. Il me semble que j’en serais capable. Oui, j’en serais capable.
Il se prit la tête entre les mains pour ne pas succomber à la tentation de se gratter le mollet.
– Vous en seriez capable et le sort du chaperon serait scellé différemment.
– Cela ne serait plus long, dit-elle. Je pourrais stopper l’histoire brutalement. Quelquefois, elle interrompt brutalement l’histoire mais le vent souffle encore dans les branches du hêtre. Il me semble qu’alors le sort du chaperon serait joué. Il me resterait sans doute assez d’énergie pour continuer à vivre.
L’homme commanda du vin. En attendant la patronne, il approuva :
– Quand elle pile, Duras scelle.

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La vagabunda

Mes livres, dont le dernier, Poèmes objets, sont disponibles à La vagabunda, 4 av. Georges Clemenceau à Brest.

Samedi 3 décembre, j’y ferai le poète public.

On peut aussi commander ces livres sur le site du fantôme des hortensias.

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Buveurs d’encre à St Brieuc

Vendredi prochain, j’anime une soirée jeux littéraires au café « Auprès de mon arbre » à St Brieuc dans le cadre du festival buveurs d’encre.

Dimanche 2 octobre, toute la journée, je fais le poète public au Cloître-Saint-Thégonnec, à l’occasion d’un marché en face du musée du loup.

Dimanche 9 octobre, poète public à Braspart, pour la fête « Pommes, miel, champignons ».

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festitruck 2022

Demain, c’est au festitruck à Logonna-Daoulas que je compose des poèmes à la demande.

photos : foire de Daoulas le 3 septembre dernier

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Demandez votre poème !

Grands et petits, venez réclamer votre poème contre deux euros, demain à la foire de Daoulas !

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Foire de Daoulas

Vendredi, je fais le poète public au marché bio de La Feuillée. Samedi, ce sera à la foire de Daoulas, toute l’après-midi.

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Lecture au verger

Cette semaine ont eu lieu les deux premières de « lecture au verger » à Plourin-lès-Morlaix. Une répétition en public lundi et le spectacle mercredi, devant une quarantaine de spectateurs, sous les pommiers, prémisses à la création d’un théâtre de verdure.
Au programme : contes et récits issus des « œuvres de Rimbaud réécrit en mieux » et poèmes extraits d’Algèbre.

Un bel article dans Le Télégramme : https://www.letelegramme.fr/finistere/morlaix/a-plourin-les-morlaix-herve-eleouet-en-son-theatre-de-verdure-26-08-2022-13162843.php

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Au marché de La Feuillée

Je serai à de 16h30 à 19h au marché de La Feuillée pour y composer des poèmes à la demande, sur le sujet de votre choix, avec Adélaïde, ma machine à écrire.

Ce sera encore le cas à La Feuillée, sur la place des marronniers, les 5 août et 19 août.

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Le devenir des choses ou le Mont-Saint-Michel en slip

Le devenir des choses est ma principale préoccupation. Il ne se passe pas une minute sans que je me demande : « Que deviendra ce vieux cahier qui traîne sur mon bureau quand j’aurai décidé de le ranger ? » Il vivra probablement sa vie de vieux cahier dans un de ces bacs à vieux cahiers dans lesquels je range mes vieux cahiers. Mais un homme lucide voit au-delà de la simple apparence et promène sur le monde et les vieux cahiers un regard d’une acuité féroce. Il constate avec le tempérament de l’analyste et le sang-froid du cueilleur de pâquerettes ce que d’autres peinent à imaginer.
Je suis cet homme lucide.
Le cahier qui traîne sur mon bureau est couvert de poussière, pour l’excellente raison qu’il y traîne depuis un certain temps. Je pourrais me vanter d’en avoir suivi le dépôt comme on voit tomber la neige, si cela ne suggérait pas que je n’ai rien d’autre à faire depuis un bon moment. Mais je préfère souligner le rigoureux travail de fourmi de l’inlassable observateur et j’écris ma conclusion d’une plume qui ne tremble pas : ce vieux cahier témoignera pour moi qu’il ne m’était pas indispensable de le conserver plus de quelques années sur mon bureau.
C’est à de semblables traits de génie qu’on reconnaît chez l’homme lucide un talent poétique. Aussi ne faut-il plus s’étonner que je publie des livres, ni qu’on fasse appel à mon coup d’oeil pour juger de la beauté du monde.
Encore il y a quelques mois, un représentant de l’associaton « Prim’vers et prose », sise en la cité de Daoulas, m’interpellait ainsi : « sage parmi les sage, daigneras-tu composer un poème, que nous exposerons avec d’autres au bord de la rivière de Daoulas ? ». Or, il n’est rien qui me tienne plus à cœur que satisfaire le désir bien naturel de mes contemporains pour l’art. En un mot, je daignis.
D’autres écrivains que moi – leur nom importe peu – ont été curieusement associés à l’opération, dont le principe est le suivant : à chacun de nous furent soumis des clichés pris par différents photographes. Il fallait en choisir un, l’observer, écrire une strophe ou deux. L’ensemble, clichés et poèmes, seraient exposés sur des panneaux de bois au bord d’un sentier.
Une photographie du Mont-Saint-Michel, prise par Adrien Le Moigne, attira mon attention. Dire que la muse a penché sur mon épaule son doux regard et guidé ma main délicate tandis que je calligraphiais mon œuvre est très en-dessous de la réalité, quand on considère la justesse du propos. Voilà le travail :

On met en tirant un zip
Le Mont-Saint-Michel en slip

Cela se comprend mieux en regardant la photographie, et le passant curieux ne pouvait manquer de réfléchir à la condition humaine, au réchauffement climatique, à l’industrie de la fermeture éclair, au Moyen-âge, enfin à tout ce qui lui passerait par la tête et n’y serait point passé s’il n’avait eu sous les yeux cette synthèse en deux vers de la mystique universelle et cette photographie prophétique.

Dimanche dernier, le même représentant de l’association « Prim’vers et prose » que j’ai déjà mentionné me vint trouver. « Ô sage parmi les sages, proféra-t-il d’une voix émue, sache que ton œuvre est profanée. »
Bah, songeais-je, car il est parfois bon d’être laconique in petto, bah, songeais-je, allons voir.
J’allai.
C’était encore un coup d’un de ces vandales qui ravagent notre beau pays en inscrivant partout des citations de Montherlant, Stendhal ou Victor Hugo. Quand le gouvernement se décidera-t-il à mettre un terme à leurs ténébreux agissements ?
Tout leur est bon. Il ne leur faut que le prétexte d’un Mont-saint-Michel en petite culotte pour se draper dans leur dignité qu’outrage une honnête rime entre zip et slip. Au fond de leur poitrine bat un cœur de statue. Disons-le tout net : je supporte très mal ce genre d’individus. Ils doivent probablement manger des haricots verts et mettre des glaçons dans leur whisky. La noirceur de l’âme humaine est une chose véritable.
Dans ce cas précis, usurpant cauteleusement la pensée de Victor Hugo – qui ne s’est certainement jamais posé la question de la petite culotte du Mont-Saint-Michel – l’individu en question insiste sur la nécessité de préserver ce monument de toute mutilation. Quand on se permet soi-même de biffer la simple évocation du Mont en sous-vêtement, est-on vraiment bien placé pour donner des leçons ?

Je publie ici, sans remords, les photographies de la dégradation, pour l’édification du plus grand nombre. Jeunes gens, ne succombez pas à la tentation de rendre justice en citant des auteurs qui ne vous ont rien fait. Que cet exemple et les lignes qui précèdent vous soient une source de réflexion.

L’exposition est visible tout l’été. Une quarantaine de poèmes et de photographies sont installées au bord de la rivière. J’ai composé un second poème, sur une photographie de Nat GTD.

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Poète public au moulin de Poulhanol

Dimanche 26 juin, de 14h à 19h, je tiendrai mon stand de poète public au moulin de Poulhanol à Hanvec, à l’occasion de la journée des moulins.

Ci-dessous un poème composé vendredi dernier à La Feuillée, pendant le marché, sur le thème de l’apaisement. Mon guichet et ma table de poète public à La Feuillée :

Également au programme de l’après-midi du dimanche 26, concert de harpe, tournage sur bois, chèvres angora et produits en laine.

Venez réclamer un poème sur le sujet de votre choix, et découvrir le beau moulin de Poulhanol.

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