Mangez vos bras, tristes humains,
Mangez vos pieds, mangez vos mains,
Mangez bien toutes vos oreilles
Dont les saveurs son nonpareilles,
Mangez la lune et le printemps,
Mangez le jour, mangez le temps,
Mangez le chancre et la rognure
Avec un peu de confiture,
Mangez la soif et les couverts,
Mangez vos pieds quand ils sont verts,
Mangez l’argent que l’on dépense,
Remplissez-vous toute la panse,
Mangez la peur et le frisson,
Mangez du blé, mangez du son,
Mangez la nuit jusqu’à l’aurore,
Mangez sans fin, mangez encore,
Mangez la rate et l’estomac,
Mangez le bateau jusqu’au mât,
Mangez la lune et les étoiles,
Mangez le vent, mangez les voiles,
Accommodez de sable fin
Le grand gosier du meurt-de-faim,
Mangez le fleuve et la prairie
Et le désert et la scorie,
Ne vous contentez pas de peu,
Mangez, mangez tout ce qu’on peut,
Mangez le courant d’air aphone,
Mangez le fil du téléphone,
Mangez le clown avec l’humour,
Mangez la tristesse et l’amour,
Mangez toujours la cafetière
Avec le sucre et la théière,
Mangez vos draps de satin blanc,
Mangez du rouge avec du blanc,
Mangez le loup, mangez la chouette,
Mangez la flûte et la trompette,
Le soir venu, buvez de l’eau
En mangeant la tringle à rideau.