Tsoin tsoin

L’ornithologue est à l’affût. Il attend que passe un vautour. Que chante un rossignol. Qu’un corbeau croasse. Qu’une pie jacasse. Que cacabe la perdrix. Si d’aventure une perdrix croasse ou le vautour cacabe, c’est que l’ornithologue a besoin de vacances. Il part en cure de klaxons. Au centre ville. Dans une fabrique de marteaux-pilons. Quelque part où les oiseaux sont morts. Les ornithologues en vacances n’écoutent plus rien. Ils dévorent du poulet. A belles dents. Sans aucun état d’âme.
S
elon que vous serez ornithologue ou concessionnaire Citroën, vous étudierez les flamands roses ou la fiche technique du dernier modèle de Citröen. Seul un concessionnaire Citroën amateur d’oiseaux peut combiner les deux. Ou un ornithologue amateur de voitures. De Citroën. Qui rêverait d’acheter le dernier modèle de cette marque. Au point d’en négliger les hirondelles. Au point que le grondement de la Citroën lui serait une mélodie charmante, comme le roucoulement du flamand rose enchante l’amateur de flamands roses.
L
e murmure des binious ravit l’amateur de binious. Toutes les fois qu’un biniou murmure, il naît un sourire au visage du biniouphile. Qui patiente. Pendant plus de trois heures. Jusqu’à la fin de la Grande Parade. Au Festival interceltique. Encore a-t-il fallu venir tôt pour avoir une place derrière les dames du premier rang. D’un certain âge. Sur des chaises pliantes. Qui bavardent ou qui lisent en attendant le défilé. L’acupuncture à la portée de tous. Un schéma représente l’homme (lequel redeviendra poussière) avec ses deux jambes, ses deux bras, parcouru de lignes et taché de points. On devine qu’il va mieux. C’est de la géomancie. A la portée du deuxième rang. Quant au troisième, il n’avait qu’à venir plus tôt. Tant pis pour lui. Sait-il maintenant que Soulié de Morant inspira l’auteur ? Le saura-t-il jamais ? C’est un nom rigolo.
L
es préambules du biniou sont un labrador qui titube et deux motards. Un fourgon plein d’eau. En bouteilles. Qu’on décharge et qu’on empile. La crampe de l’écrivain. On s’en défait grâce au peigne en aluminium. Il suffit de brosser l’extrémité des doigts, la paume et le dos de la main. Tous les jours, pendant plusieurs mois. C’est radical. L’acupuncture à la portée de tous ne laisse pas planer de doute. Les écrivains du deuxième rang sont avertis. La crampe ne leur servira plus d’excuse.
T
out commence par le bagad de Lann-Bihoué : c’est une affaire de pompons rouges. La suite est une affaire de cornemuses, de bombardes et de drapeaux. De binious. De costumes. De danses. De pause. De bouteilles d’eau. D’airs qu’on croit reconnaître. Les Ecossais ressemblent aux Ecossais. Les Espagnols viennent de Galice ou des Asturies. Les Bigoudènes de Pont-l’Abbé (ou des environs), les Néo-Zélandais d’Auckland et tous les participants de quelque part. C’est leur point commun. Le monsieur avec un talkie-walkie leur fait signe de patienter. On leur offre de l’eau. Puis tout repart.
A
la quarantième place, puisqu’il s’agit du quarantième anniversaire du festival, passent en file tous les représentants des pays de Lorient. C’est le moment d’apprendre par un spectateur le nombre des formations. Quatre-vingt-neuf. Tous les représentants des pays de Lorient mis bout à bout ne comptent que pour une. Soulié de Morant se retourne dans sa tombe. L’acupuncture à la porté de tous ne prévoit pas la crampe au mollet de l’écrivain. La médecine chinoise est impuissante. L’homme se devine seul face au biniou.
P
endant encore cinquante-neuf formations.
O
n regarde l’heure. On applaudit vaguement.
Cela se termine par des chevaux, et puis la foule qui se répand dans la rue, au sein de quoi l’on se retrouve et qui donne le vertige.

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