Tout est mathématique. On compte jusqu’à dix et on lance des fusées sur Mars. Ou Jupiter. Ou n’importe où. Les planètes sont des boules dont on connaît les trajectoires. Caché derrière une lunette astronomique, en plissant les yeux, on mesure la distance qui nous sépare des choses. On envisage l’univers. On calcule sa moyenne. On cherche l’équilibre. On devine l’éternité. Quand on a trouvé le barycentre, on enfourche sa bicyclette et on court le rejoindre sur le bord d’un fleuve :
Le curé moyen se compose d’une mère, d’un presbytère et de paroissiens qui ont la vie trop facile au bord de la Loire. On ne pas peut leur donner le goût de la souffrance expiatoire. La Vendée est plus propice. Toutefois, comme, avec la sécheresse, les fraises se sont bien vendues, ils achèteront des sépultures en première classe.
Les hommes ne viennent jamais à l’office et n’éprouvent pas le besoin de se préparer à mourir. C’est la raison pour laquelle il a fallu, pour les attirer, un jeu de boules de fort au presbytère, et leur proposer du vin et des parties de belote chaque dimanche. Hélas, hommes et femmes « vivent et meurent sans se rendre compte que Dieu leur manque ». C’est le plus grave. Après la Toussaint commence la quête pour le denier du culte, qui n’est pas très drôle mais bien pratique pour visiter la paroisse. Aux beaux jours elle est remplacée par le jardinage ou la pêche.
Le catéchisme se donne le matin. Il se termine à la communion solennelle, qui permet aux parents de se souvenir de leur propre communion solennelle. C’est l’occasion de rouvrir les âmes au monde spirituel. Ensuite, ce sont à moitié les vacances.
L’Almanach catholique pour 1934 regorge de noms : Mauriac, Ampère, l’abbé Sautel, Jérusalem, Rome, le Mont-Valérien, Saint André-Hubert Fournet, Montalembert, Biquette (22 ans), Linotte (18 ans), Marmotte (20 ans), Militante (21 ans) et Benjamine (15 ou 8 ans, au choix), toutes cinq héroïnes d’un à-propos pour œuvres de jeunes filles, Saint Modeste, le Christ et même Gargantua, dont on ne conseille pas la lecture mais dont on peut publier avec bonheur quelques extraits bien choisis, pourvu que n’y soit jamais mentionné le règlement de l’abbaye de Thélème.
Dans le Petit annuaire du monde catholique on apprend que le Révérend Père Henry-Joseph-Antoine Pinard de la Boullaye, conférencier de Notre Dame, reçoit, durant le carême, lundi, mercredi, et vendredi, de 13 à 18 heures et sur rendez-vous (téléphone : Vanves, Vaugirard 03-22). On ignore le nom du curé moyen. Il se réjouit de la récolte des fraises. Il donne l’extrême-onction. Il baptise. Il « débouche une nouvelle bouteille de « rosé » frais et onctueux, avec un admirable parfum de framboise. » Au fond de sa charmille. En lisant « avec gourmandise sa Revue des Deux-Mondes ».
Il attend l’invasion des topinambours géants.
Pour empêcher la guerre de revenir, Marie-Rose, 13 ans, veut offrir un grand sacrifice à Dieu. Elle songe d’abord à la santé de ses parents et de sa sœur. Ensuite à sa propre vie. Elle se résout finalement à renoncer à sa place au paradis en échange de la paix. Le curé la sermonne et s’émerveille.
Vendredi prochain : Annales du bac 94, mathématiques CE.