Depuis l’invention d’internet, la plupart des êtres humains que je connais semblent mourir d’envie de me voir publier sur ce blog ou sur l’un des supports qu’offrent les réseaux sociaux la liste de mes dix films préférés ou les cinq desserts au chocolat qui m’ont bouleversé.
Ces temps-ci, une noria d’âmes simples me supplie de dévoiler les titres des dix livres qui m’ont le plus marqué. Soit. J’y consens. Après tout, c’est une chose naturelle qu’on demande au Créateur de dispenser quelques bribes de sa vie pour l’édification des masses.
Le premier livre qui me vient à l’esprit est le Cours de chimie physique de Paul Arnaud (éditions Dunod). La jeune femme qui me l’a lancé à la figure a probablement dû épouser quelqu’un d’autre parce que je ne vois pas de deuxième brosse à dents dans le verre à dents posé sur l’étagère de la salle de bain. Ce goût de l’enquête policière qui me caractérise est une malédiction pour mon entourage : je ne peux pas m’empêcher d’observer des trucs pour en déduire des machins. La faute à Sherlock Holmes, dont la silhouette longiligne hanta mes lectures adolescentes. J’ai récemment déduis d’un bon fauteuil devant la télé qu’il n’était pas utile de passer l’aspirateur aujourd’hui et compris qu’un soleil d’automne implique une longue balade plutôt que terminer la vaisselle. C’est de la police scientifique. Pour le reste, je ne suis pas tellement différent de la plupart des êtres humains en ce qui concerne le choix de mes livres : quand j’entame un travail quelconque, je tends la main au hasard et tombe sur un bouquin qui m’empêche de continuer. C’est à tel point que je suis en train de relire Josette de rechange plutôt que d’écrire ces lignes et qu’il va vous falloir attendre un peu avant de les dévorer (et encore, c’est une veine que je n’ai pas pioché Madame Bovary).
La plupart des livres racontent l’histoire d’un type ou d’une femme qui trouve la solution de l’énigme au bout d’une centaine de pages. Je veux bien vous en conseiller quelques uns : Guerre et Paix, Jacques Rogy prend le taureau par les cornes et tout Gaston Lagaffe. « La principale différence entre un pot de confiture et un bouquin, c’est qu’on ne peut pas commencer le pot de confiture par la fin », déclarait l’autre jour Socrate en étalant de la framboise sur sa tartine. On peut faire confiance aux philosophes pour noter les choses importantes de l’existence. Les meilleurs livres sont ceux dont on parvient à grand-peine à se retenir pendant le premier tiers de jeter un œil sur la fin avant de craquer voluptueusement, puis de reprendre au point où on en est et d’aller jusqu’au bout pour vérifier si ça ressemblera bien à ce qu’on a déjà lu en douce. Croyez-le ou non, c’est toujours le cas, ce qui prouve que les auteurs sont drôlement fortiches, Maurice Leblanc et Agatha Christie en tête.
Si je n’avais pas été tellement pressé, je vous aurais donné des tas de renseignements sur plein de chouettes bouquins. Les Misérables, par exemple – je ne l’ai pas lu, mais si je l’avais lu j’en penserais volontiers quelque chose. Hélas, nous sommes à cet instant de l’histoire des hommes où je dois aller faire mes courses de la semaine au supermarché. D’autres que moi vous feront part de leurs préférences, et, puisque la coutume nous permet de refiler la consigne impunément à des gens qui ne nous ont rien fait, je désigne le Pape François, Charlemagne et Louise Labé.