Coq et tourte

Le 28 mars aurait dû avoir lieu une batteule de poésie aux escales de Binic, évidemment annulée. Clotilde de Brito et moi nous étions lancés un défi à préparer pour le jour dit. Clotilde a publié le sien en vidéo (lien plus bas). Voici le mien.


Le défi de Clotilde :

https://www.facebook.com/761583885/videos/10157937160103886/

Le texte de mon défi :

Quand on vit comme un coq en pâte, mange-t-on de la tourte au poulet ?

Le bon sens, qui gouverne ici bas toutes choses,
A voulu qu’un rosier fût en charge de roses,
Et par un autre effet de son gouvernement,
C’est à moi qu’on réclame un éclaircissement,
Quand un point de science ou de philosophie
Nécessite soudain qu’un esprit s’ingénie.

Sur le point de manger de la tourte au poulet,
Confucius ne dit rien et Socrate est muet.
Qu’on juge la valeur de tout ce que je pense
Et que je vais vous dire à leur profond silence.

Tâchons pour commencer d’établir la question.
De quoi le coq en pâte est-il donc l’expression ?
Mais d’un assassinat – et de son codicille –
Qu’on commet aux dépens de certain volatile
Avec une intention dont le motif est clair :
Pour qu’il se taise enfin, on mange Chantecler.
Le lendemain matin, quand les poules s’éveillent,
Le meurtrier content dort sur ses deux oreilles,
Digérant le forfait dont il fit un pâté.
Le sommeil bienheureux l’a comme innocenté.
C’est d’un crime très doux qu’il s’est rendu coupable,
Et son plus grand plaisir fut de se mettre à table ;
Enfin sur son visage on lit tant de bonheur,
Le coq en sa gelée avait tant de saveur,
Qu’il faut que le jury maintenant lui pardonne
Et le laisse dormir après que midi sonne.
Voilà ce dont le coq en pâte est l’expression :
La grasse matinée et la relaxation.
Le ciel en soit loué, cet Artaban de Bresse
Ne chante en son pâté qu’un hymne à la paresse.
C’est un autre avatar, incontestablement,
Du lièvre qu’évoquait monsieur de Saint-Amant ;
S’il faut à ne rien faire une étymologie,
On la trouve en lisant sa docte poésie.

Là n’est point mon sujet. Examinons l’oisif
Tout univoquement sur un plan nutritif.
Puisqu’il aime la sieste et que la vie est courte,
Faut-il au paresseux qu’on prescrive une tourte ?
Soyons plus exhaustif, la question précisait :
Faut-il qu’on lui prescrive une tourte au poulet ?
L’en priver sans objet cela serait indigne.
Se nourrir est un droit dont la tourte est le signe.
À moins qu’un paresseux ne fût végétarien,
Un tourte au poulet le sustente assez bien.
Doit-il se l’imposer ? Faut-il qu’il s’en contente
Sous le prétexte indu qu’une tourte alimente ?
Il me paraît assez qu’à la double question
On ne doive opposer la double négation.
Une tourte au poulet est une belle chose,
Mieux vaut la savourer comme on s’offre une pause.
Tout l’art du gastronome est dans le choix du met ;
C’est la diversité que cherche le gourmet,
Qui peut se contenter de cueillir un pétale
Et sait se délecter d’une tourte à l’escale.

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