L’almanach du facteur 2012

Certaines occupations réclament qu’on leur applique une science qui ne souffre pas la distraction. C’est ainsi qu’ayant dû acquérir du papier bulle pour emballer un maigre colis, je me trouve, ce papier bulle ne s’achetant qu’en rouleau, une fois le colis terminé, devant 2 m 50 x 50 cm de bulles à éclater en les pressant entre le pouce et l’index. Je suis donc un homme occupé. Mais je consens néanmoins à m’interrompre pour vous entretenir, à la demande générale, de certains trucs.

 J’ai appris tout récemment que nous étions en 2012 et ça ne m’a pas étonné du tout. Il y a quelques temps nous étions en 2009 et, encore plus tôt, en 2006 ou quelque chose comme ça. Moi-même je suis né dans les années soixante-dix, à une époque où l’an 2000 n’était qu’un mirage lointain, et j’ai porté des sous-pulls mauves plus d’une fois au cours de mon enfance. L’expérience a fait de moi cet homme au visage buriné que plus rien n’étonne, capable du meilleur comme du pire, humble dans la victoire, courageux dans la défaite, chanteur sous la douche.

 Je me suis regardé plus d’une fois dans le calendrier, et je n’y trouve rien à redire :

afcalendrier2012

Voilà des années que je m’y vois sous la forme de chatons dans une écuelle ou de la grande échelle des pompiers, encadré par un semestre où les noms des saints les plus rigolos sont Pélagie, Croix Glorieuse et Fiacre. Apollinaire est en septembre. Il a bien raison. L’automne arrive et c’est la saison d’écrire des poèmes. On mâchouille le bout d’un crayon pendant des heures avant de trouver que “feuilles mortes” rime avec “pas de porte” :

afhaikuApollinaire

Il s’agit là d’un haïku inédit d’Apollinaire que je vend 300 000 euros. On reconnaît la patte de l’auteur du Bateau ivre.

Quand on ouvre l’almanach du facteur 2012, on tombe aussitôt sur un article consacré à la France des régions. “La France que l’on connaît actuellement ne s’est pas formée en un jour !” déclare l’auteur (dont le nom n’est hélas pas mentionné), dans un préambule ravissant. C’est ce que j’ai toujours pensé.

Comme tout almanach, celui-ci abonde en anecdotes savoureuses et renseignements de toutes sortes, mais il faut tout de même prévenir le lecteur néophyte que les gens qui écrivent ce genre d’ouvrage ont une conception toute personnelle du soleil couchant et de la pleine lune, uniquement basée sur des chiffres, et une manière bien à eux de peindre la nature qui peut rebuter au premier abord. En fait, je n’aimerais pas tellement les avoir pour voisin de palier.

afpaysagemarin“Brise marine”, dessin au fusain par Vincent M, rédacteur à l’almanach du facteur

Néanmoins, il n’y a qu’eux pour mettre le doigt sur certaines particularités historiques locales et vous régaler du code postal d’Irvillac ou vous expliquer en petits caractères tout en bas d’une page que “les jours augmentent de 1h38 en février”. L’expression est mystérieuse. Il doit s’agir encore d’une conséquence du réchauffement de la planète. A noter dans l’almanach 2012 : un poster détachable représentant le plan de Brest, que les adolescents pourront punaiser au-dessus de leur lit, et beaucoup d’autres surprises.

afjoursLesnevenL’origine des jours à Lesneven

Quand on regarde l’autre face de l’almanach, on s’aperçoit que les six mois qui viennent de s’écouler sont représentés par deux chatons dans des pots :

afcalendrier2012debut

Il n’y a donc pas grand chose à regretter. Tout laisse à penser que nous filons à train d’enfer en direction de 2013 et que des chatons s’y prélasseront dans une corbeille. A moins d’une loi anti-chatons, qui n’est pas dans les cartons du nouveau gouvernement, je ne vois pas comment on pourrait vivre une autre vie que la sienne.

 Apollinaire vient en automne et les beaux jours sont au printemps.

 La semaine prochaine : l’Encyclopaedia Universalis

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