« Parmi nos beaux métiers, murmurais-je pensivement en arpentant la lande, bras croisés derrière mon dos et le chapeau haut de forme négligemment posé sur le sommet de mon crâne, il est bien difficile de se prononcer sur celui qui serait le plus beau de tous. Le beau métier d’homme-sandwich ne manque pas d’intérêt, tandis que la belle profession d’acrobate a su rendre utile à tout jamais l’invention du trapèze. Pour ne citer que ces deux exemples. »
J’étais arrivé à ce point de ma promenade où, campé sur le faîte d’un rocher qui domine les alentours, je contemplai ce morne pays qui me vit naître et que les millénaires ont érodé patiemment. Il n’est, au soleil couchant, pas de plus grand spectacle.
« Quel est le plus beau métier du monde ? » demandai-je alors aux éléments. Mais les éléments ne répondirent pas. Je retournai passer le reste de l’hiver dans ma chaumière où je fourbissais mon épuisette pour partir à la chasse aux papillons lorsque le printemps serait venu. Certain soir, près de l’âtre, je relus un ouvrage de louis Barjon :
Le métier de soldat méritait bien qu’on lui consacre un volume de la collection « Nos beaux métiers par les textes ».
La présente édition date de 1945. Le principe est le même que celui présenté la semaine dernière. Pas de préface ici. Le petit mot du maréchal Pétain, en exergue du livre sur le paysan, de 1941, est remplacé par un portrait du général De Gaulle, ce qui prouve bien que dans le beau métier d’écrivain il faut se tenir au courant de l’actualité.
Écrivain, oui, car les quelques lignes d’introduction aux extraits des grands auteurs publiés dans chaque chapitre suffisent presque, par leur fulgurance, à dispenser le lecteur de consulter les extraits en question :
Que dis-je ? Il est à peine besoin de regarder ces entrées de chapitre, tant la puissance d’évocation de Louis Barjon est grande. La consultation du sommaire permet de se faire une idée de l’essentiel. Tenez, les qualités du soldat, par exemple :
Ce sont les mêmes que celles du joueur de domino. Je suis imbattable au domino, et je peux vous dire que tout est vrai (sauf l’esprit chrétien, qui indiffère la plupart des joueurs). Naturellement, il existe quelques différences entre la guerre et les dominos. On les perçoit de-ci, de-là :
Il est à noter que c’est grâce de remarquables qualités que le soldat atteint à cette grandeur de mourir évoquée plus haut :
Il y était prédestiné. Heureusement, il n’était pas le seul concerné par le sacrifice :
Quant aux textes choisis, les poèmes sont pris parmi certains de Vigny, Victor Hugo, Louis Mercier, Péguy ou Rostand. Curieusement, Le dormeur du val n’y figure pas.
La semaine prochaine : Le marin, par Louis Barjon, dans la collection « Nos beaux métiers par les textes », X. Mappus éditeur, Le Puy.