En mars dernier, au collège de Kerzouar à Saint-Renan, au cours d’un chouette atelier d’écriture initié par le collège et Penn ar Jazz, des élèves de deux classes de quatrième m’avaient lancé le défi d’écrire deux poèmes sur le thème de l’amour contenant des mots choisis par eux – eux-même devant, au cours de l’atelier, se plier à un semblable exercice.
Les mots imposés par les quatrième D : dissolvant, prise électrique, chou-fleur, otarie, Pampers, désherber et additif.
Madame, quelquefois je vais sous vos fenêtres
Pour vous dire un poème, et j’espère souvent
Que Cupidon vous frappe et nous fussions deux êtres
Qu’on ne peut désunir par aucun dissolvant.
Pour moi, je me souviens de cet instant magique
Où je vous aperçus pour la première fois :
Si j’eusse mis les doigts dans la prise électrique,
Je n’en eusse éprouvé de plus brûlants émois.
Je suis assez mal fait, hélas, pour qu’on s’en rie :
J’ai le nez de travers, j’ai l’oreille en chou-fleur,
Mais d’un autre côté je fais bien l’otarie
Et quand je me dandine on me dit bon acteur.
Sachez que de l’Arctique aux confins du Bengale,
Dans l’Inde ou dans le Siam, dans le Lot ou le Gers,
En aucun lieu, jamais, je n’ai vu votre égale
Depuis l’âge où, bébé, je portais des Pampers.
Sur mon crâne autrefois il poussait une gerbe ;
Il n’y reste aujourd’hui qu’un seul petit cheveu ;
Mais si le temps cruel me voûte et me désherbe,
Je sais de mon amour l’inextinguible feu.
Post scriptum :
J’ajoute à cette lettre un petit additif :
Si cela vous déplaît je couperai ce tif.
Les mots imposés par les quatrième B : quarantaine, hebdomadaire, autopsie, maniaque, slurp, pharmaceutique, antisèche, aspirateur, globuleux, bernard-l’hermite et pachyderme.
J’ai dépassé la quarantaine
Où sont les jours et les semaines
Où sont mes souvenirs passés
Et les printemps et les étés
On croit que tout mène à Cythère
Mais le monde est hebdomadaire
Je meurs je meurs pour celle-là
Que j’aime et qui ne m’aimait pas
Quand on fera mon autopsie
On trouvera son cœur aussi
Pourquoi se faire le devoir
D’aimer ce qu’on ne peut revoir
Ulysse était un vieux maniaque
Pourquoi tenter de joindre Ithaque
Sur le grand trône qu’il usurpe
Il boit sa soupe en faisant slurp
Il fallait à ce pathétique
Une odyssée pharmaceutique
Celle que j’aime et que j’aimais
Je ne veux la revoir jamais
Ni l’oublier mon antisèche
Est un cœur percé d’une flèche
Il pompe cet aspirateur
Toute ma peine et ma douleur
Et passe par les ventricules
Un petit fleuve ridicule
De sang amer et globuleux
Et des regrets qui vont aux yeux
Bernard-l’hermite ou pachyderme
Pour nous l’amour n’a pas de terme