Pagaille d’alexandrins sauvages

L’autre jour, c’est-à-dire lundi, quand la matineuse aurore ouvrait en grommelant ses larges portes de vermeil afin qu’un soleil timide pointât le bout de son nez parmi les nuages qui dansaient gaiement le charleston en versant des flots d’humidité sur la nature, je lisais Ouest France en mangeant un reste de tarte aux pommes que je trempais gaillardement dans une tasse du meilleur café. Bigre, fis-je, tombant en arrêt devant le titre suivant :

aloflundi

C’est affreux. Voici sept ou huit mois que j’ai lancé sur ce blog un concours d’alexandrins sauvages et – la faute à un emploi du temps de ministre – non seulement je n’en ai pas annoncé les résultats mais n’ai même pas publié tous les poèmes reçus. Je repris une autre bouchée de tarte aux pommes. Les grands hommes sont toujours très occupés, songeais-je avec indulgence en remettant à demain la publication du truc.

Le lendemain, en première page du Monde, on en trouvait un autre sur le même sujet :

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A croire que les journalistes, quand ils relaient certaines informations, ne peuvent s’empêcher de leur conférer une solennité que l’alexandrin procure aux grandes choses, aux choses terribles. Quand je prends ma douche, je sifflote sans m’en rendre compte les premières notes de Singin’ in the rain, et j’ai failli devenir journaliste, une fois, en CM1 (j’avais été désigné pour écrire le compte rendu d’une sortie scolaire, mais je suis tombé malade et je n’ai pas pu y aller) c’est bien la preuve que l’inconscient les travaille.

Tenez, par exemple, le titre de cet article trouvé dans la page sport de Ouest France mardi :

alofmardi

On sent bien que l’auteur, ému, exprime dans une formule épique la grandeur impérissable du football, et que le soir à la veillée on pourra conter, en hochant la tête aux bons moments, nostalgique et sentencieux, les exploits de Quimperlé. Les petits enfants les entendront de la bouche de leurs parents. Les vieillards s’en souviendront une dernière fois sur leur lit de mort et les jeunes gens ne rêveront que de les égaler. Victor Hugo l’aurait exprimé différemment, mais pas tant que ça :

Jupiter dans l’Olympe était assis, pensif.
Hercule, grave, au pied du trône en or massif
Le regardait. Zeus dit : « Sais-tu ce que je pense ?
Quimperlé sort grandi de la Coupe de France. »

 Victor Hugo

Que dire des entrefilets judiciaires ? Les condamnations pénales appellent tout naturellement l’alexandrin tragique (dans Ouest France de mardi toujours) :

alofmardi2

C’est là l’exemple d’une poésie rude et glacée. On résume toute une existence en deux vers de cette sorte :

Autrefois innocents comme des nouveau-nés,
Les casseurs du radar de Paimpol condamnés.

Brrr.
Mais roulons le journal en boule, jetons-le dans un coin ou dans un autre et revenons au concours évoqué plus haut.

Je rappelle d’abord la règle du jeu. Il s’agissait de dénicher des alexandrins dans des vitrines ou sur des prospectus, n’importe où, comme ceux-ci par exemple :

  SONY DSC« C’est le mois du bébé chez votre pharmacien »

altarifautoreconduit« sur le tarif auto reconduit chaque année »

Après quoi, on les insère dans un petit poème de son cru. Ce qui donne, dans le premier cas :

C’est le mois du bébé chez votre pharmacien.
Ils sont à moitié prix, chacun voudra le sien ;
Il faut en profiter ! Chez le marchand de jouets
Jusqu’à mardi prochain c’est le mois du hochet.

Et dans le deuxième cas :

Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie
Et ne fus-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en ce jour flétrir tant de lauriers :
Vingt pourcent seulement de baisse pratiquée
Sur le tarif auto reconduit chaque année !

Une prodigalité extraordinaire m’avait conduit à doter ce petit jeu de tout un tas de lots prestigieux comme un vieux mixer cassé, des livres et une bouteille de cidre. Petit tour des propositions reçues et des récompenses liées :

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Petit papa Noël, ça serait vraiment cool
Si je pouvais trouver au pied de mon sapin
A côté d’une orange et de chocolats, un
Marteau perforateur 1500 Watts 8 Joules

Raphaël

J’espère qu’il a été exaucé. Hop ! Un exemplaire d’Igor et Betty pour Raphaël.

Suivent deux alexandrins repérés sur l’autoroute :

Téléphone au volant égal c’est pas sérieux
Ceintures attachées = vies protégées

Il manque cependant à François et Marie-Thérèse, qui me les ont expédiés, d’avoir composé un poème à partir de ces messages d’avertissement. Comme ce sont mes parents, leur récompense est de m’avoir élevé.

Dimitri m’explique, dans un courrier électronique, qu’il a déniché un alexandrin dans un livre ouvert sur son bureau : « Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois » et qu’il y en a plein d’autres du même genre sur les pages suivantes, mais qu’il n’arrive pas à imaginer des poèmes dans lesquels il pourrait les caser. Dommage. Merci à Dimitri qui remporte un vieux mixer cassé.

Autre proposition :

alchiens

Quand on mange son chien, la vie est plus jolie…
Ensemble, préservons nos espaces de vie.

Marc

Un exemplaire d’A côté de la plaque pour Marc.

Déjà publiés sur ce blog, le sonnet publicitaire insensé de Solenn et la sage tête à plis :

alSonnet_publicitaire

Sonnet publicitaire insensé

Douceur et légèreté, Moda au naturel,
Des collants et leggings coton et fantaisie.
Cumulez des tickets sur tous les produits,
De chaussettes et collants en matière naturelle.

Dix huit euros cinquante, Isotoner pour plaire
Mousse haute densité confort longue durée.
Fioul notre meilleur prix, prix du litre livré
Chez Leclerc vous savez que vous ach’tez moins cher.

Le premier sac poubelle en plastic végétal,
Ca change votre vie, ça débranche le mental.
Total Repair Extrême, shampoing reconstructeur

Lotus classique l’ultra douceur en toute confiance
Le long des rayonnages gardez votre méfiance
Ce n’est pas dans une boite, qu’on trouve le bonheur.

alUne_femme

 

Une femme a plusieurs vies, dans une vie Scottage
Comme les chats qui sont gris, renaissent plusieurs fois.
Grâce à la chirurgie, elles ne font pas leur âge,
Mais gare à la tromperie, ce n’est qu’un emballage.
Rester jeune à tout prix, on se demande pourquoi
Alors qu’une tête à plis, fait croire que l’on est sage.

Un exemplaire de mon prochain recueil de nouvelles (à paraître fin janvier, tiens, au passage) sobrement intitulé : Les œuvres de Rimbaud réécrit en mieux, est le prix qu’elle remporte.

Quant à Corinne, son poème sur la poste et surtout celui sur la saint Patrick lui valent une bouteille de cidre-que-fabrique-mon-père d’une cuvée spéciale, le cidre de seize heures.

alposte

« Un changement d’adresse ? Pourquoi pas après tout…
Ça paraît si facile, surtout si c’est online
Review, change or cancel your order anytime !
Il est grand temps que j’aille courir le guilledou… »

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School speed limit fifteen
When children are present

But zigzag authorized
At the saint Patrick´s day

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Il est peut-être doux le cidre de seize heures
Attention en ouvrant, il est parfois farceur !

Comme son nom l’indique, cette cuvée est tout exprès conçue pour les amateurs de poésie (parce qu’on est poète à seize heures) et on est à chaque fois momentanément transformé en Baudelaire ou Rimbaud quand on en boit un verre.

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Asticota goutulus

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Poèmes à la demande samedi

En compagnie d’Adélaïde, ma fidèle machine à écrire, je serai au stand d’Anne Jullien lors du prochain salon du livre du Relecq-Kerhuon les 23 et 24 novembre (au moins samedi après-midi, peut-être dimanche) afin de composer des poèmes à la demande des visiteurs, sur des thèmes qu’ils me soumettront.

Je ne vendrai pas mes propres ouvrages.

 Entre les pages des livres d’Anne se tapissent des cachalots et des bathyscaphes, que les visiteurs auront tout le loisir de feuilleter en attendant que l’inspiration me submerge (le feuilletage du cachalot est une occupation trop peu répandue à l’époque actuelle, ne manquez pas cette occasion).

Le blog d’Anne Jullien : http://histoiresetautreshistoires.blogs.letelegramme.com

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Dans de beaux draps

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Regarde ailleurs

Un p’tit poème composé hier pendant un atelier d’écriture.

lunettes2SONY DSClunettes1

Regarde ailleurs qu’à travers moi
Le monde est beau quand il est flou

D’hier jusqu’à la fin du mois
Regarde ailleurs qu’à travers moi

Quand on voit clair le monde est fou
C’est un glaçon dans l’eau qui bout

Regarde ailleurs qu’à travers moi
Le monde est beau quand il est flou

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La banane

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La banane

Petit morceau d’un régime
Et fille de bananiers
On commet un crime
(Profitable aux héritiers)
En me déposant par terre
Pour que tombe sa grand-mère

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Poète public, à louer

Il ne sert à rien de compter les éléphants pour s’endormir, parce qu’ils barrissent beaucoup trop fort. Quand on se figure qu’un éléphant saute une clôture, on l’entend barrir d’appréhension. Ces grosses bêtes ne sont pas familières de l’exercice et vous communiquent leur angoisse, si bien qu’on se redresse dans son lit en criant : « N’aie pas peur, Albert !  » C’est une conséquence de la société où nous sommes qui veut que n’importe qui, homme ou éléphant, se grandit de franchir un obstacle quel qu’il soit, clôture ou entretien d’embauche, et qu’on fait toujours bien de l’encourager ou de se dire à soi-même qu’on serait une andouille de reculer, alors que la plupart du temps on aurait bien raison de claquer la porte et d’aller boire un verre au bistrot du coin. D’ailleurs, une fois sur deux, Albert se casse la figure et s’étale dans la prairie, de telle sorte que le bilan de l’histoire est affreux : on ne dort pas et on s’en veut de l’avoir encouragé.

Naturellement, les moutons font : « bêêê », tous les apiculteurs vous le diront (ou les bergers, je ne sais plus trop qui élève les moutons) mais ils ne font jamais « bêêê » au moment de sauter une barrière pour vous aider à dormir. C’est une supériorité du mouton sur l’éléphant, du point de vue de l’insomniaque, mais il m’a semblé, au gré des innombrables nuits d’anxiété pendant lesquelles je voyais de malheureux éléphants s’étaler dans la boue que je ne voudrais pas devenir apiculteur quand je serais grand : quelle gloire peut-on trouver à enseigner à des moutons comment sauter machinalement des clôtures ?

Ayant parcouru la planète sac au dos pendant de nombreuses décennies, ma conscience politique se forma au contact des populations du monde et je suis devenu un type drôlement sage qu’on vient consulter pour connaître la réponse à tout un tas de questions comme savoir si la saison des pluies arrivera à l’heure cette année ou bien la racine carrée de machin virgule douze. Un genre d’oracle, en plus modeste.

De retour dans ma Bretagne natale, je décidai de vivre, surmontant courageusement mon vertige, en ermite au sommet d’un toit pour composer des poèmes.

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Cela dura tout un quart d’heure que je mis à profit pour écrire le truc ci-dessous. Après quoi, lassé de la solitude et soupçonnant qu’il pleuvrait un jour, je redescendis me faire poète public, dans les salles des fêtes ou sous chapiteau.

chatpercheDès lors, je vais où l’on m’engage, me louant avec Adélaïde (ma machine à écrire) pour composer des poèmes à la demande des visiteurs d’un salon du livre, d’une fête ou des clients d’un marché.

SONY DSCLe temps que les pompiers arrivent pour m’aider à descendre par l’échelle, j’ai eu le temps d’écrire un recueil de nouvelles à paraître bientôt.

Actuellement disponible à la location, je précise que je demande une table et une chaise pour Adélaïde et moi. Pas sérieux s’abstenir.

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Le nid de l’étrange

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Scène de ménage

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Sardine, Flaubert et Chicago

Le jour se lève. Midi sonne. Ou trois heures. On lit des livres. On regarde la télévision. On rêve. On ne pense à rien. On se promène. On pêche à la ligne. On accroche un asticot sur un hameçon, on choisit un coin propice, au bord d’une rivière ou devant l’océan, sur la jetée, on se prépare à lancer sa ligne en dessinant des arabesques dans l’air et on sort de l’eau des carpes, des brochets, des hommes-grenouilles ou des requins blancs. L’asticot les attire. Les hypnotise. Ils ne songent plus qu’à le dévorer pour leur quatre-heures. Ou leur petit déjeuner. Tout dépend de l’heure à laquelle on pêche. C’est la vertu de l’asticot. Il ouvre l’appétit de la faune sous-marine. Trois cent hommes-grenouilles ont été pêchés en rade de Brest par un retraité lundi dernier. C’était un jour d’exercice pour l’armée. Il a dû les remettre à la mer. Par arrêté préfectoral, on ne peut pas faire frire de militaires. Même avec des fines herbes. Même en été, quand le soleil brille et qu’on voudrait cuire le résultat de sa pêche au barbecue.

Sur terre, on attrape les ours avec un pot de miel. On attire le loup en plantant un piquet de bois dans une clairière, au flanc de la montagne. A condition d’y attacher une chèvre. Si on y attache une laitue ou un pou, le loup ne vient pas. C’est un animal exigeant. On fabrique des appeaux pour séduire les ptérodactyles et les canards. On capture un lapin pour mettre le tigre en cage. On prend des clichés pour écrire un poème.

Avec un appareil photo. En bandoulière, ou dans sa poche. On marche dans la rue. Sur la grève. Dans sa chambre. On fait les cent pas. On tourne en rond. On baisse la tête. On lève les yeux. On photographie les murs, les fleurs et les vitrines. De près. De loin. A une distance raisonnable. Sous tous les angles.

Il ne reste plus qu’à rentrer chez soi et découvrir le poème qu’on va écrire.

Des élèves de seconde, au lycée de l’Elorn, ont ainsi composé des textes sur les sujets les plus divers. Les élèves de première sont jaloux. Les élèves de troisième auraient dû sauter une classe.

Le chat, la sardine, tout ce qu’on pallie et l’identité du mort

Flaubert (qui se promène aussi), Plougastel et le paradis

D’autres poèmes sont en ligne sur le blog du lycée de l’Elorn : http://voix-elorn.over-blog.com

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